Le Mar 31 Mai 2005 17:28, dmichels(a)chd.lu a écrit :
D'abord sue l'erreur factuelle: Seule la
Commission peut proposer une loi,
car elle est censé représenter l'intéret général de l'UE (ni un peuple, ni
un gouvernement) et la co-décision se fait actuellement entre le Conseil
des Ministres et le Parlement européen, et ceci en deux lectures (d'abord
le Parlement, ensuite le conseil, de nouveau le Parlement et enfin le
Conseil . S'il y a désaccord persistant entre les deux, une procédure de
médiation prévue !
Je suis un peu gêné pour répondre sur cette liste, d'une part parce que je
suis français et que je ne voudrais pas interférer dans la politique
luxembourgeoise, d'autre part parce que d'une façon générale j'ai un
profond
respect pour les convictions et l'action de gens comme M. Michels. Je
m'arrêterai donc en tout cas après ce message.
Comme beaucoup de défenseurs du logiciel libre, je suis tout de même échaudé
par la lamentable et scandaleuse affaire des brevets logiciels, dans laquelle
l'« intérêt général » de l'Europe est un peu malmené, précisément. Sans
parler des procédures démocratiques en tout genre ! Et, en conséquence, je
suis enclin à penser qu'au-delà de la théorie, on juge l'arbre à ses fruits...
Et j'ai beaucoup de mal à croire que tout cela va enfin disparaître par la
grâce d'un traité préparé et signé par les mêmes gens qui viennent de s'assoir
si clairement sur l'intérêt général.
Quant à la théorie du Conseil des ministres comme deuxième (enfin, première)
chambre du législatif, rappelons qu'elle est composée de membres de
l'exécutif des différents pays, qui peuvent donc :
- proposer les lois qui les intéressent (alors que le Parlement, donc, ne le
peut pas, et doit se contenter d'examiner celles qu'on lui soumet) ;
- les « voter » comme ils ont « voté » la directive sur les brevets logiciels
(avec comme excuse qu'il fallait débloquer la situation, bref en substance
qu'il fallait voter pour les brevets logiciels afin de les empêcher...) ;
- menacer les députés, comme l'a fait M. McCreevy, pour les assouplir avant le
vote et les retenir de les amender un peu trop ;
- au cas où le Parlement se rebiffe tout de même, lui faire avaler de force,
avec un peu d'arôme pour faire passer le goût d'huile de ricin (autrement
dit, modifier sa rédaction pour cacher sa vraie signification sous des
déclarations d'intention lénifiantes, tout en durcissant le texte : c'est
précisément le cas pour les brevets logiciels).
Rappel : en deuxième lecture, il faut un vote du Parlement à la majorité
absolue des membres sur chaque point pour renverser la décision du Conseil.
Il faut avouer que c'est quand même plus pratique de se battre contre un
adversaire qui a un bras attaché dans le dos... ;
- enfin, retourner dans leurs pays respectifs, REPRENDRE LEUR CASQUETTE DE
MEMBRE DE L'EXÉCUTIF, et faire appliquer la loi ainsi « démocratiquement »
établie.
Quant à la théorie de la séparation stricte des
pouvoirs, c'est un schéma
simplifié.
Pardon d'une telle comparaison, mais ça m'évoque les discussions actuelles aux
États-Unis où certains envisagent sérieusement de justifier l'emploi de la
torture dans certains cas. C'est vrai que l'interdiction totale de la torture,
c'est un schéma quand même très simplifié :-) Il y a en effet des pays où les
principes fondamentaux de la démocratie sont un peu malmenés, mais est-ce une
raison pour en faire autant ?
Enfin, ce qui me frappe le plus dans tout ce débat, c'est l'omniprésence de la
réfutation a priori (technique rhétorique qui consiste à énoncer soi-même les
arguments que l'on prête à ses adversaires, afin de les démolir plus
facilement) ou d'arguments du type « sinon, c'est pire ». Peut-être suis-je
dur d'oreille, mais je n'entends toujours pas d'arguments positifs,
directs,
en faveur de ce projet de traité. On finira par me faire croire qu'il n'y en a
pas...
En conclusion : ce que je ne comprends pas par-dessus tout, c'est pourquoi
apparemment personne ne songe tout simplement à proposer une constitution de
quelques pages, limitée à l'organisation des pouvoirs publics comme toutes les
constitutions, et vraiment démocratique (ce n'est quand même pas si difficile
de la rendre un peu plus consensuelle si précisément on la limite au strict
minimum) ; en laissant le reste du texte actuel à son domaine naturel : celui
des traités et accords internationaux, existants ou à créer, renégociables à
tout moment, et non pas gravés dans le marbre.
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Alain LOUGE